« Les sorciers, nos amis » 6 novembre
(Wayne Shorter)
En guise de « compte-rendu » du concert donné le 29 octobre dernier à la salle Pleyel (et annoncé dans « Actuelles ») par le saxophoniste Wayne Shorter qui fut l’un des musiciens les plus attentifs de ceux qui partagèrent la route de Miles Davis, voici quelques lignes qui sont une tentative d’évocation, de résonance. Pour un moment musical qui m’a paru d’une rare beauté.
Wayne Shorter était entouré de Danilo Pérez (piano), John Patitucci (contrebasse) et Brian Blade (batterie). Ils étaient quatre, vraiment quatre. Et ils ne faisaient qu’un.
« Les sorciers, nos amis »
(Photo M Arcens octobre 2009)
Il y avait du bleu, du noir et quelques éclairs de cuivre et d’or
Il y avait des tensions et des élans du coeur et des corps
Des silences partout, des hésitations apeurées
Des frissons inassouvis, des éclats sourds
Des nuages sombres, des lenteurs assoupies
Des courses jusqu’au bout extrême du souffle.
Il y avait là des ombres venues d’ailleurs
Il n’y avait plus rien comme avant
Tout était changé: personne n’était plus personne
(Photo M Arcens octobre 2009)
Les masques étaient rouges ou blancs
Ou noirs aussi
C’est encore aujourd’hui, selon son regard.
Tous étaient ici, ce soir-là
Miles, John, Charles et Charlie
Et Bill, Jimmy, Elvin, Max, Scott, Bud
Et tous les autres, Chet, Sphere, Stan, Lee
On ne sait jamais combien ils sont…
(Photo M Arcens octobre 2009)
Ils sont aussi incertains que leur nombre change
Quand la lumière monte dans le ciel
Ou bien quand elle décline
Et même, quand c’est l’heure annoncée
L’heure apeurée de l’oiseau de Minerve.
Ce soir tous habitent ici leur musique:
Ceux qui sont revenus de loin
Comme ceux qui encore au matin, parcouraient
Sans se lasser jamais
Les chemins silencieux
Le temps étiré, l’espace de l’instant foudroyé.
(Photo M Arcens ocotobre 2009)
Tous ceux-là qui sont entre la Terre et le Ciel
Dieux et hommes à la fois
Sorciers de mille nuits
Sorciers de cent mille nuits
Porteurs d’espérances
Porteurs de désolations aussi bien
Victimes de l’amour
Enchanteurs réjouissants
Nés d’un désir joyeux
Nés de l’affection des mots, des couleurs
Des âmes, des coeurs, des pleurs et de l’enfance
Tous ceux-là désormais
Sont parmi nous…
Ce fut un soir
Dont on se souvient encore
Encore aujourd’hui
C’était il y a cent ans au moins.
Ils s’appelaient si l’on veut
Wayne, Danilo, John et Brian.
Ils avaient ensemble
Et chacun, à hauteur d’homme
A hauteur de son espoir, de sa volonté
A mesure de sa vie
Poursuivi le chemin acéré des sorciers
Nos amis de ce monde familier.
Michel Arcens (octobre 2009)