Autour du jazz: quelques chansons préférées et un livre au détour…

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(John Coltrane)

Aujourd’hui « L’instant » fait quelque chose qui (peut-être/sûrement) ne se fait pas.

Je vous conduit dans ce nouvel article vers un livre que j’ai écrit et qui paraît ces jours-ci. C’est le premier que je signe ainsi, sous cette forme (sans compter donc quelques publications antérieures mais partielles, parcellaires). C’est peut-être le dernier.

Quand on écrit un premier livre c’est toujours comme cela: on se sent souvent incapable d’en écrire un autre, ou bien on se dit que les difficultés du premier empêcheront le deuxième de voir le jour, nous embarrasseront tant que nous mourrons empêtrés dans celles-ci avant d’avoir pu dire « ouf ».

C’est pour cela qu’il y a des premiers livres qui ont souvent comme défaut majeur de vouloir tout dire, de dire trop.

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(Sonny Rollins)

Ce livre donc, prend une place dans ce blog.

Il faut dire qu’il y a à cela deux raisons (outre que l’auteur de l’un est aussi celui de l’autre, enfin, bref, c’est le même!):

- tout d’abord, ce livre s’appelle « Instants de jazz ». Il y a donc dès « l’ouverture », avant même la première page, de « l’instant » là-dedans: quelque chose comme hors du temps. Non pas de l’éternité. Ce qui serait tellement prétentieux, insupportable. Bien plutôt du contraire: de quelque chose de résolument présent, mais seulement, irrémédiablement présent, et rien de plus. Donc quelque chose en train de se faire, d’être sans cesse « improvisé », quelque chose en recherche incessante.

- ensuite, de nombreux thèmes évoqués dans ce blog le sont aussi dans ce livre.

Enfin, il y a peut-être une dernière raison qu’il faudrait ajouter: « Instants de jazz » est un livre qui n’est qu’apparemment un livre sur le jazz. Il est pourtant un livre sur le jazz; absolument.

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(Miles Davis)

Il y a dans ces pages bien d’autres choses: littérature, peinture, psychologie, philosophie, psychanalyse, poésie, même un peu d’astrophysique et bien d’autres, sans doute, un peu partout…

Les références y sont, elles aussi, aussi nombreuses que variées.

Ce qui signifie cependant, que celles ou ceux qui ne s’intéressent pas au jazz peuvent, il me semble, trouver aussi leur compte dans la lecture de ce livre.

Il n’y a donc pas que du jazz, loin de là, dans  »Instants de jazz ».

Il y a aussi de très belles photos de Jean-Jacques Pussiau et un long et superbe poème inédit, en introduction, ou en « prologue », c’est comme l’on voudra, que nous offre Alain Gerber.

C’est en librairie depuis quelques jours. Il est cependant possible que vous soyez contraints de le commander…

C’est édité par Joël Mettay pour « Alter Ego éditions ». Vous pouvez aussi en faire directement la commande auprès de l’éditeur. C’est à l’adresse suivante: 3, rue Elie-Danflous 66400 Céret. Cela coûte 17 € (il n’y a pas de frais de port à votre charge pour le premier exemplaire que vous commanderez). Si vous souhaitez une dédicace, n’hésitez pas, demandez-là dans votre courrier; ce sera un plaisir pour moi.

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(Keith Jarrett)

En poursuivant, si vous le souhaitez dès maintenant, ne serait-ce que pour savoir un peu mieux de quoi il s’agit, je vous propose deux textes rédigés par deux amis (oui, je sais, ils ne sont pas objectifs! mais bon, je ne vais pas leur reprocher leur indulgence: peut-on reprocher une amitié?). Ces deux-là sont aussi journalistes.

Le premier article est signé par Hubert Beauchamp qui s’y connaît particulièrement en jazz.

Le second l’est par Serge Bonnery qui s’y connaît en musiques de toutes sortes, le jazz y compris, mais aussi et tout particulièrement en littérature. Lui, a publié plusieurs livres (l’un d’entre eux paraît ces jours-ci à propos du catharisme et des parcours que l’on peut faire dans le sud de la France, en leur donnant un sens qu’ils n’auraient pas sans que nous en sachions, grâce à lui, un peu plus sur cette partie de l’histoire de l’Occident). En outre, il préside aux destinées d’un établissement consacré tout entier à la mémoire d’un poète dont nous vous parlerons bientôt tous les deux, le merveilleux Joë Bousquet.

Pour compléter cet article d’aujourd’hui: quelques photos qui ne proviennent pas du livre, quelques liens avec quelques chansons favorites (tout à la fin de l’article)

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(Bill Evans)

Fragments d’un amoureux de jazz… par Hubert Beauchamp

Instants de jazz : plutôt quelques fragments d’un discours amoureux dirait Roland Barthes, puisqu’aussi bien, comme lui, Michel Arcens s’intéresse – notamment – à la sémiologie et à la photographie à travers un blog intelligent et assidu… Ici l’auteur converse en solo, expose le thème, prend des chorus et improvise une musique réinventée de mots en liberté.

Amoureux du jazz, donc, Michel Arcens a longtemps publié une chronique dans Midi Libre. Aujourd’hui il prolonge une réflexion sur son thème de prédilection : ni portraits, ni critiques mais des “digressions”, des “rêveries”, sur une musique qui swingue ou s’étire dans une sonorité inquiète. Cette “musique crépusculaire et qui oscille sans fin entre le blanc et le noir.”

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(Eric Dolphy)

Ces “parcours erratiques” nous mènent sur les chemins qui conduisent de Bix à Chet, de Miles à Ornette, par des chemins de traverse syncopés. On fait halte à l’ombre salutaire d’un Comte, d’un Duc ou d’un dauphin (Eric), pour les plus courageux. Il y a aussi les belles dames : Lady Day, Ella ou Cassandra. En lisière, c’est Ahmad Jamal, plus loin Stan Getz et Keith Jarrett… ils sont tous là ou presque, autour de minuit ! Ce sont les favorite things, les favorite songs du chroniqueur qui rend au passage un bel hommage à un Django empli de mystères.

Pour ouvrir ce livre d’heures d’un jazz envoûtant, obsédant, Michel Arcens a reçu, en guise de prologue, comme une façon de l’adouber, un nostalgique et long poème d’Alain Gerber. Un beau cadeau…

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(Thelonious Monk)

Sur « Instants de jazz »…  par Serge Bonnery

1 – Sous le titre « Il cimento dell’armonie e dell’invenzione », Vivaldi avait regroupé douze concerti dont les quatre premiers sont demeurés célèbres : il s’agit des fameuses « Quatre saisons ». Cimento signifie, en italien, risque (ou épreuve). Nous traduisons donc : « Au risque de l’harmonie et de l’invention », qui pourrait parfaitement convenir au jazz. Mais peut-on (ou plus simplement doit-on ?) définir le jazz ? La réponse que Michel Arcens donne à cette lancinante question dans son livre (1) est non, pour la raison que le jazz est indéfinissable. Ce serait même là sa seule définition possible. Une définition indéfinie. Le jazz, personne ne sait ce qu’il est. D’où il vient ? On dispose de quelques repères sûrs, encore que discutés par les spécialistes, nous prévient Michel Arcens qui se défend en raison d’en être un. Où il est ? Partout et nulle part. Surtout, croit-on comprendre, là où on ne l’attend pas. Où va-t-il ? On l’ignore. Et pour cause.

2 – La cause de tous ces tourments vient du fait que le jazz est une musique de l’instant. Une musique qui s’invente au moment où elle se fait. Ici et maintenant. Entre réminiscences, références à hier (ce qui s’est déjà produit) et avenir impalpable. Mais que sera demain ? semble s’interroger le musicien de jazz au moment où il joue. Voilà réunies toutes les conditions pour que cet instant de musique s’inventant soit un authentique moment de création. Le musicien de jazz, le vrai musicien de jazz, se risque à chaque instant. Il répond à l’injonction puissante du poète René Char : « Va vers ton risque ».

3 – Au risque de l’invention : telle est la condition fragile du musicien de jazz. Parce que rien n’est écrit du moment de musique qui advient. Rien n’est écrit. Tout se transforme. S’invente. Et s’il n’existait pas les techniques d’enregistrement pour fixer ces instants, tout disparaîtrait. Seule la mémoire conserverait bribes, fragments de ce qui a été, l’espace d’un instant, la musique de jazz.

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(Billie Holiday)

4 – Le jazz, parce qu’indéfini, parce qu’indéfinissable, est multiple. Il est la multiplication de ses propres multiples. Une formule dont le symbole pourrait être le 8 horizontal qui, dans le langage mathématique, signifie l’infinie. Le jazz ne finit pas. Ne peut pas finir. Le jazz est infini parce qu’in(dé)fini. S’il est infini, a-t-il seulement commencé ?

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(Charlie Mingus)

5 – Pour parler ainsi du jazz, il fallait inventer une forme de livre correspondant à son contenu. Michel Arcens l’a fait. Dans « Instants de jazz », il parle du jazz par fragments. Par séquences qui se présentent sous la forme de courts chapitres. Chacun d’eux évoque un musicien de jazz. Deux font l’objet de chapitres plus longs, découpés en sous-chapitres courts : ils sont consacrés à Miles Davis et John Coltrane. On se dit que ces deux-là sont particulièrement significatifs du jazz tel qu’en parle Michel Arcens. Mais cela n’enlève rien aux autres musiciens évoqués dans le livre. Chacun y est à sa place, comme chacun a trouvé sa place dans la musique de jazz. La composition du livre de Michel Arcens ouvre une porte : le jazz serait la somme des parties qui le composent. Nul musicien ne détiendrait la vérité sur le jazz mais chacun participerait de sa vérité. Le jazz est espace de liberté. Où s’exprime l’absolue liberté de ceux qui le font.

6 – « Instants de jazz » est aussi marqué par des réflexions philosophiques. Elles surgissent, au fil des pages, comme autant d’incises. Elles ne sont pas parachutées là par le fruit du hasard. Ces réflexions, c’est le jazz qui les inspire. Les suscite. Elles se posent sur le texte comme les papillons sur les fleurs. En douceur. Leurs ailes frêles donnent au lecteur le loisir de s’envoler vers d’autres espaces. Ceux que le jazz crée sans cesse, instant après instant. Et grâce à ces réflexions philosophiques, jamais le lecteur ne survole le jazz. Michel Arcens aborde le jazz en profondeur. L’auteur s’est confronté non au risque de l’interprétation, mais plus dangereusement au risque de sa propre perception. C’est ce qui fait qu’ « Instants de jazz » n’est pas un livre de plus (encore un) sur le jazz mais un authentique cheminement personnel à l’intérieur du jazz.

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(Brad Meldhau)

7 – Me vient, à la lecture de ces « instants », une réflexion sur le temps. Le temps du jazz est-il historique ? Il n’y a pas grand risque, explique Michel Arcens, à le penser ainsi. C’est le rôle des historiens. Vous voulez avoir à connaître du jazz ? Vous établissez une chronologie en partant d’un point A, vous vous arrêtez au point Y qui correspondant à l’instant d’aujourd’hui. L’avenir, lui, est ouvert. Ca marche. Vous aurez ainsi à connaître du jazz. Mais connaîtrez-vous le jazz pour autant ?  Pas si sûr. Michel Arcens propose une autre voie. Plus risquée. Celle qui consiste à considérer que le temps du jazz n’est pas un temps linéaire mais plutôt un temps cyclique qui procède comme une spirale. Il avance, incontestablement, le temps du jazz, mais en repassant sans cesse par des points antérieurs qui demeurent, dans le temps du jazz, comme des repères, des phares. Dans le jazz, on repasse par ces points d’ancrage pour les dépasser. Aller plus loin. On les utilise comme des points d’appui pour prendre un nouvel élan. On peut aussi repasser par ces points pour les anéantir (le free jazz, par exemple, que j’entends comme une déstructuration du jazz), autre manière de les dépasser. Mais on doit les revisiter, sans quoi le temps du jazz se referme, se replie sur lui-même. Et qu’est-ce que la mort sinon du temps replié ?

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(Dizzy Gillespie)

8 – Je dirai encore une chose sur le livre de Michel Arcens. Sûrement pas la dernière tant il y aurait à dire, mais ceci : son livre « Instants de jazz » est un don. C’est un livre qui tend ses bras au lecteur, qui l’accueille chaleureusement dans ses pages. Un livre qui ouvre des portes, donne des pistes, laisse le lecteur penser par lui-même. Un livre qui suggère plus qu’il n’impose. Ne théorise. En cela, le livre de Michel Arcens est authentiquement littéraire. Il utilise toutes les ressources de la langue non pour figer une vérité, mais pour donner en partage une perception, un ressenti. Risquons le mot : une vision. La vision du jazz par Michel Arcens se situe à hauteur d’homme. C’est pourquoi nous conclurons sur ce sentiment que nous laisse la lecture d’« Instants de jazz » : le jazz selon Michel Arcens est un humanisme. Je n’ai trouvé nulle par ailleurs, concernant le jazz, enseignement plus juste.

 

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(Billie Holiday)

« Le futur féminin du jazz »: c’est le titre de l’épilogue d’ « Instants de jazz »…voici quelques-unes de ces femmes qui font le jazz de tous les temps…quelques-unes connues ou moins connues. Elles sont, pour nous, l’avenir. Par leurs présences…

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(Hellen Merrill, Carla Bley avec Charlie Haden, Anne Ducros, Virginie Teychené, Sarah Lenka)

Et maintenant la musique.

Pas nécessairement la plus attendue.

* John Coltrane: « Last performance at Newport »

http://www.musicme.com/John-Coltrane/albums/Last-Performance-At-Newport-8436019580639.html?play=01

* Miles Davis: « Workin’ »

http://www.musicme.com/Miles-Davis/albums/Workin%27-0888072300804.html?play=01

* Bill Evans: « Turn out the stars »

http://www.musicme.com/Bill-Evans/albums/Bill-Evans:-Turn-Out-The-Stars-the-Final-Village-Vanguard-Recordings-June-1980-0075597983159.html?play=01

* Thelonious Monk: « Its monk’s time »

http://www.musicme.com/Thelonious-Monk/albums/It%27s-Monk%27s-Time-0074646353226.html?play=01

* Virginie Teychené: « Portraits »

http://www.musicme.com/Virginie-Teychene/albums/Portraits-7619993002316.html?play=01

* Sarah Lenka: « Am I blue »

http://www.musicme.com/Sarah-Lenka/albums/Am-I-Blue-0826596031088.html?play=01

* Alain Gerber: « Le jazz est un roman » (produit par Jean-Jacques Pussiau)

http://www.musicme.com/Alain-Gerber/albums/Le-Jazz-Est-Un-Roman-0044006416021.html?play=01

 



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