La vérité sur Eros 8 juillet
Que savons-nous d’Eros ?
Nous croyons savoir beaucoup de choses à propos de cette figure des dieux grecs, de ce qu’elle semble symboliser, signifier peut-être seulement.
Parce que toutes et tous nous aimons…
Parce que si nous croyons ne pas aimer, eh bien nous nous trompons…
C’est cela que nous dit Eros.
Eros n’est pas ce petit ange impudique que nous voyons souvent dans des représentations antiques ou dans des peintures classiques.
Eros est un dieu primordial : celui qui créa le monde.
Le désir, l’amour, la « volonté » aussi, sont la vie, l’origine de tout, de tout ce qui est.
Mais l’amour ne se voit pas.
Il est invisible.
On dit souvent qu’Eros est aveugle.
S’il se voit, si on le voit, alors il peut ne pas survenir.
Si les fiançailles de Johannes et Cordelia se transforment en mariage, leur amour ne sera pas aussi intense. Søren rompt son lien avec Régine. (1)
De même, la représentation d’Eros le fait fuir : il faut qu’il se dérobe à notre regard. Il se dérobe toujours. Eros est pudique. C’est pourquoi il va nu. Il n’a pas à se cacher : nous ne devons pas le voir.
Sa nudité, contrairement à nos préjugés, le protège. Comme elle nous protège. Nous pensons l’inverse. A tort.
Il arrive que l’imagination nous le révèle et nous avons alors, mystérieusement, souvent besoin d’elle.
Parfois nous avons besoin d’images pour aimer Eros lui-même, ce dieu dont les plus vieilles « légendes » disent qu’il a deux sexes.
Nous ne savons pas s’il avait les deux sexes ou deux sexes identiques.
Mais Eros est un ange et comme eux il est doublement sexué.
Ce qui, en passant, met fin ici à une ancienne et archaïque querelle.
Eros, comme principe, comme élan primordial, est partout.
L’amour est incessant.
Un amour qui fut est un amour qui est.
Aucune séparation n’est totalement possible.
L’amour rime avec toujours.
On n’échappe pas à ses flèches, Médée elle-même fut atteinte, en plein coeur, dit le mythe.
Une partie de l’histoire, des histoires nombreuses et parfois entremêlées des dieux grecs, s’explique par là.
Parce que c’est ainsi que les amours se superposent. Puisque ils ne s’effacent jamais.
La vérité sur Eros c’est qu’il est la vie, qu’elle ne cesse pas, qu’on ne la voit pas davantage que l’amour lui-même.
La vérité sur Eros c’est qu’il est partout et qu’il est secret, qu’il est impossible.
C’est seulement parce qu’il est secret, tu, caché, inimaginable, invisible donc, qu’Eros est possible.
Et cette invisibilité est l’origine même de tout, jusqu’à notre existence.
Il est notre existence même.
(1) Le livre le plus érotique de toute la littérature « contemporaine » n’est ni l’œuvre de Sade, ni celle de Pauline Réage, même pas celle de Georges Bataille, il s’agit du « Journal du séducteur » de Søren Kierkegaard (on peut lire à ce sujet l’un des tous premiers articles, chronologiquement parlant, de ce blog)