Patti Smith: ce qui ne meurt jamais 27 octobre
« Je dormais lorsqu’il est mort. J’avais appelé l’hôpital pour dire bonne nuit une dernière fois, mais il avait sombré, sous des couches de morphine. , J’ai pressé le récepteur contre mon oreille pour écouter sa respiration laborieuse à travers le téléphone, sachant que je ne l’entendrais plus jamais. Ensuite, j’ai rangé mes affaires avec calme. Il est toujours vivant ai-je murmuré, je me rappelle. Je me suis endormie. Je me suis réveillée tôt et, en descendant l’escalier, j’ai su qu’il était mort…C’était une froide matinée de mars, j’ai mis mon pull. J’ai levé les stores et la lumière du jour a inondé le bureau… »
« Nous nous sommes dit adieu et j’ai quitté sa chambre. Mais quelque chose m’a fait revenir sur mes pas. Il avait sombré dans un sommeil léger. Je l’ai regardé tout un moment. Tellement paisible, comme un très vieil enfant. Il a ouvert les yeux et souri : « Déjà de retour ? ». Puis il s’est endormi. Ainsi ma dernière image fut-elle semblable à la première. Un jeune homme endormi, baigné de lumière, qui ouvrait les yeux avec un sourire de reconnaissance pour celle qui n’avait jamais été une inconnue. »
(photographie Robert Mappelthorpe)
Ces deux paragraphes ouvrent et concluent le livre de la chanteuse, performeuse et plasticienne Patti Smith qui est aussi un magnifique écrivain. (C’est le deuxième article que « L’Instant » lui consacre). Ce livre vient de paraître aux éditions Denoël. Il s’intitule « Just Kids ». Il raconte avec tendresse, discrétion et passion son amour pour Robert Mappelthorpe.
Ce livre raconte toute la vie de deux jeunes gens qui ne voient pas le monde comme tout le monde, qui ne le voient que par leurs regards réciproques.
Au-delà (à moins qu’il vaille mieux écrire « en-deçà ») ce que dit ce livre, ce que dit Patti Smith, ce que nous dit la vie de Patti Smith et celle de Robert Mappelthorpe, c’est que l’amour est bien la chose en ce monde (à moins que ça ne soit qu’en nous) qui soit capable de durer. Et même qui ne puisse être qu’ainsi.
(photographie Robert Mappelthorpe)
On croit si souvent que l’amour est passager. On croit si souvent que l’amour vient et s’en va et qu’une de perdue c’est dix… ce qui, probablement devrait être vrai dans le sens inverse des sexes… si l’on peut ainsi s’exprimer. On croit cela et l’on se trompe absolument.
La lecture de « Just Kids » nous dit tout ce qu’il y a dans une vie qui en croise une autre, dans deux vies qui s’enlacent : plus rien de tout cela ne peut plus alors s’effacer. Et rien de cela ne meurt jamais.
Ni même la musique: http://www.musicme.com/Patti-Smith/albums/Easter-0078221882620.html?play=01